1938. Lucie rencontre Élie, jeune ouvrier, au bal du 14 juillet. Elle a 16 ans. Fille de blanchisseuse, sa scolarité terminée, elle découvre l’amour, les balades à vélo, et le plaisir de lire. Une année lumineuse.
Au printemps 39, la guerre embrase le monde. Ils la traverseront ensemble, entre Paris, sa ville, et le Morvan, son refuge. Leur mariage, les enfants, les séparations, le désespoir, la facilité des petits arrangements, des moments de courage.
La paix retrouvée, quelle histoire sauront-ils réinventer ? Au soir de sa vie, Lucie a souhaité, sans fard, et sans héroïsme fabriqué, se raconter à son fils.
Ce récit vous emporte, dans une langue rugueuse et poétique, au cœur de la condition féminine des milieux modestes du siècle dernier.
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Le village est installé dans une petite vallée intérieure du Haut-Morvan. Les monts au loin sont couverts de chênes, de bouleaux, et de hêtres. Tous ces arbres, fiers l’été, ont perdu leur puissante couleur verte, et réchauffent le paysage d’éclats de lumière brune orangée qu'une prochaine journée ventée viendra assombrir. Des sapins aussi, par grandes plaques vert sombre. Ce pays aride et pauvre a toujours été une terre de bois.
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Je suis assise sur la balançoire. La planche est un peu vermoulue, après ces mois et ces mois sous le soleil et sous la pluie.
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Le balancement, entretenu par mes jambes qui se plient et se déplient, m’ouvre aux pensées vagabondes.
1939. Je découvrais l’éclat de la liberté et de l’amour. Je vivais par l’envie de vivre, sans limite ; et sans grand « bagage », comme l’on disait en parlant des études. Moi qui n’avais pas beaucoup lu, j’avais découvert avec fierté au hasard de mon premier emploi les romanciers, un monde lointain, et proche par l’intimité qu’ils me donnaient à voir. Ecrire était une grandeur ! J’avais dix-sept ans.
La guerre nous est tombée dessus. Elie, en bon ouvrier, fit son devoir de militaire. Après l’horreur de la fuite il découvrit la débandade des chefs.
... l’occupation sous le joug des vainqueurs nous rongea sans répit. La terreur de l’armée nazie, chez nous, la peur des dénonciations par nos voisins, les résignations, les petits arrangements, nos solitudes, tous les deux séparés. Nous avons voulu sauver nos vies, et celles de nos enfants. Ce fut notre manière de résister contre l’abandon. L’abandon de nous-mêmes, de nos espoirs, l’abandon de la beauté, l’abandon de notre pays.
Après, nous avons souhaité oublier, sans nous retourner pour tenter de comprendre l’enfer d’où nous sortions....
... La paix n’a pas été de tout repos, et nous avons bâti sur ce que la vie nous donnait.
Nos vies, elles furent celles de milliers de jeunes hommes et de jeunes femmes, qui comme nous se sont aimés et ont aimé la vie. Leur histoire n’a pas été souvent racontée, à l’ombre de la grande Histoire.
Quatrième de couverture
Le prologue, extraits